Chers collègues,
Fidèle à sa ligne éditoriale, ce dernier numéro de La Revue Immunité & Cancer explore des domaines de l’immunooncologie, dont certains présentés lors des JSIC 2019, allant des dernières avancées de la recherche fondamentale aux derniers résultats des traitements par immunothérapie au sein d’articles synthétiques, didactiques, illustrés, vous permettront de faire le point et d’enrichir vos connaissances.
Un des fils conducteurs de ce numéro qui paraîtra lors des Journées Cell Therapy Innovation 360° du 21 et 22 mai prochain à Lyon, est l’immunothérapie cellulaire adoptive, abordée sous plusieurs angles dans différents articles. En quelques années, le traitement par lymphocytes Tαβ armés d’un récepteur antigénique chimérique (CAR) a connu un succès grandissant. En effet, deux thérapies CAR anti-CD19 ont reçu une approbation dans le traitement des leucémies et des lymphomes en rechute ou réfractaires. Après un bref rappel sur la préparation des CAR-T et les constructions utilisées, Marion Alcantara, Laurent Frenzel et Maël Heiblig avec l’équipe de rédaction de La Revue, vous présentent un état des lieux très complet sur les données cliniques actuelles dans différentes indications hématologiques : leucémies aiguës, lymphomes et myélomes. Les pistes d’optimisation en termes d’efficacité et de gestion des toxicités, ainsi que les futures directions des années à venir sont également discutées.
La lecture de ce dossier thématique devrait constituer un excellent et riche socle de connaissances sur les CAR-T « classiques ». Sur le versant plus fondamental de l’immunothérapie cellulaire adoptive, Daniel Olive pose la question des prochaines molécules ciblées par les anticorps thérapeutiques sur les lymphocytes T, après PD-1, CTLA-4, Tim-3, LAG3 ou VISTA. Il présente une nouvelle cible, cousine lointaine des molécules de costimulation CD28/B7, la butyrophyline BTN3A, CD277, exprimée par la population de lymphocytes Tγδ exprimant le TCR semi-invariant Vγ9Vδ2. À la différence des lymphocytes Tαβ qui reconnaissent le CMH-peptide, les lymphocytes Tγδ reconnaissent des phospho-antigènes produits dans les cellules cancéreuses et par les bactéries. Des essais cliniques de phase I utilisant directement les lymphocytes Tγδ comme cellules effectrices anti-tumorales, ou des anticorps ciblant la molécule CD277 exprimée par ces derniers, sont en cours et les premiers résultats devraient voir le jour cette année. L’« oeil de l’interne » présente la piste innovante d’une population de lymphocytes Tαβ exprimant un récepteur T semi-invariant associés aux muqueuses (MAIT), qui reconnaît un précurseur de la biosynthèse de la vitamine B12 associé à un CMH monomorphe non classique et exprime un récepteur antigénique chimérique, comme les CAR T-cells. Le grand intérêt de cette approche est de pouvoir utiliser les MAIT-anti-CD19 en contexte allogénique, donc comme effecteurs universels, car ils ne reconnaissent pas les molécules d’histocompatibilité classiques. Le projet de Matthieu Jestin dans le cadre d’un master 2 subventionné par la bourse de recherche Hervé Fridman devrait permettre de déterminer si les CD19 CAR-MAIT sont une source envisageable de cellules « prêtes à l’emploi » pour une immunothérapie adoptive « universelle ».
Le champ de l’immunothérapie oncolytique est en effervescence, à la fois sur les plans technologique, préclinique et clinique. Pour leur propriété d’activation du système immunitaire par induction de lyse tumorale immunogène, les virus oncolytiques seront de bons compléments de l’immunothérapie par inhibiteurs de points de contrôle immunitaire (ICI). Une cinquantaine d’essais de phases I à III en cours pour une vingtaine de produits dans une grande variété d’indications, de voies d’administration et de combinaison. Nous avons demandé à Jean-François Fonteneau et Eric Quemeneur de faire le point sur cette stratégie riche de promesses.
Nous n’oublions pas non plus l’actualité des congrès. Christophe Sajous fait le point des communications sur les cancers du sein triple négatifs présentées au San Antonio Breast Cancer Symposium présentant des résultats très encourageants sur la survie globale grâce à l’étude de phase III IMpassion130 comparant la combinaison atezolizumab plus nab-paclitaxel versus nab-paclitaxel plus placebo, chez 902 patientes préalablement non traitées pour la maladie non résécable, métastatique.
Enfin, nous abordons la question combien importante, des toxicités apportées par la levée de l’inhibition du point de contrôle PD-1. Marina Nguenang et Valérie Gounant avec l’équipe d’oncologues de l’hôpital Bichat, présentent un cas clinique exceptionnel de néphrite tubulo-intersticielle aiguë cortico-sensible observée chez un patient atteint de cancer bronchique non à petites cellules.
J’espère que ces articles vous passionneront et vous fourniront les outils nécessaires à vos réflexions, à votre pratique quotidienne, ainsi qu’à la lecture prochaine du fil des tweets de vos congrès favoris, qu’il s’agisse de l’AACR, l’ASCO… et dont nous ferons le point dans le cadre de nos futurs numéros !
Merci à tous les auteurs d’apporter leurs connaissances, leurs compétences et leur enthousiasme pour La Revue Immunité & Cancer.
Des nouvelles sur le front des immunothérapies
Le 19 décembre 2018, la Food and Drug Administration a approuvé de manière accélérée le pembrolizumab (KEYTRUDA, Merck & Co. Inc.) pour les patients adultes et pédiatriques atteints d’un carcinome de Merkel (MCC) récurrent localement avancé ou métastatique.
L’approbation était basée sur le protocole 9 du réseau d’essais d’immunothérapie du cancer (CITN-09), également connu sous le nom de KEYNOTE-017 (NCT02267603), un essai ouvert multicentrique, non randomisé, regroupant 50 patients atteints d’un MCC récurrent avancé ou métastatique localement avancé n’ayant pas reçu de traitement systémique antérieur pour leur maladie avancée. Les patients ont reçu 2 mg/kg de pembrolizumab toutes les 3 semaines.
Les principaux critères d’évaluation de l’efficacité étaient le taux de réponse globale (ORR) et la durée de la réponse évaluée par un examen central indépendant en aveugle selon RECIST 1.1. L’ORR était de 56 % (IC 95 % : 41,70) avec un taux de réponses complètes de 24 %. La durée médiane de la réponse n’a pas été atteinte. Parmi les 28 patients avec des réponses, 96 % avaient des durées de réponse supérieures à 6 mois et 54 % avaient des durées de réponse supérieures à 12 mois.
Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés chez au moins 20 % des patients traités par le pembrolizumab en monothérapie étaient : la fatigue, des douleurs musculo-squelettiques, une perte d’appétit, un prurit, une diarrhée, des éruptions cutanées, une pyrexie, une toux, une dyspnée, une douleur abdominale.
La dose recommandée de pembrolizumab pour le MCC est de 200 mg, administrée par perfusion intraveineuse de 30 minutes, toutes les 3 semaines chez l’adulte ; 2 mg/kg (jusqu’à un maximum de 200 mg) administrée par perfusion intraveineuse de 30 minutes, toutes les 3 semaines chez les patients de moins de 18 ans (patients pédiatriques).
Le 18 mars 2019, la Food and Drug Administration a approuvé l’atezolizumab (TECENTRIQ, Genentech Inc.) en association avec le carboplatine et l’étoposide, pour le traitement de première intention des patients adultes atteints d’un cancer du poumon à petites cellules à un stade avancé.
L’approbation reposait sur IMpower133 (NCT02763579), un essai randomisé (1:1) multicentrique, à double insu et contrôlé par placebo, chez 403 patients atteints d’un cancer du poumon à petites cellules à un stade avancé n’ayant pas encore reçu de chimiothérapie et qui ont une performance ECOG de 0 ou 1. Les patients ont été randomisés pour l’un des traitements suivants :
• atezolizumab 1 200 mg et AUC 5 mg/ml/min de carboplatine au jour 1 et 100 mg/m2 d’étoposide par voie intraveineuse aux jours 1, 2 et 3 de chaque cycle de 21 jours pendant 4 cycles maximum, suivis de 1 200 mg d’atezolizumab toutes les 3 semaines jusqu’à la progression de la maladie ou une toxicité inacceptable, ou ;
• placebo et carboplatine AUC 5 mg/ml/ min le jour 1 et étoposide 100 mg/m2 par voie intraveineuse les jours 1, 2 et 3 de chaque cycle de 21 jours pendant 4 cycles au maximum, suivis du placebo toutes les 3 semaines jusqu’à progression de la maladie ou toxicité inacceptable.
Les principaux critères d’efficacité ont été la survie globale (SG) et la survie sans progression (SSP) évaluées par l’investigateur selon RECIST 1.1 dans la population en intention de traiter. La SG médiane était de 12,3 mois (10,8-15,9) pour les patients traités par atezolizumab en chimiothérapie et de 10,3 mois (9,3-11,3) pour ceux recevant un placebo avec une chimiothérapie (HR 0,70 ; IC 95 % : 0,54-0,91 ; p = 0,0069). La SSP médiane était de 5,2 mois (4,4-5,6) contre 4,3 mois (4,2-4,5) dans les groupes atezolizumab et placebo, respectivement (HR 0,77 ; 0,62-0,96 ; p = 0,0170).
Les réactions indésirables les plus fréquemment rapportées chez 6 20 % des patients traités par atezolizumab dans IMpower133 étaient : la fatigue/asthénie, les nausées, l’alopécie, la constipation et une perte d’appétit.
La dose recommandée d’atezolizumab chez les patients atteints de cancer du poumon à petites cellules à stade avancé est de 1 200 mg par voie intraveineuse pendant 60 minutes toutes les 3 semaines. L’atezolizumab doit être administré avant la chimiothérapie si les deux traitements sont effectués le même jour. Si la première perfusion est tolérée, toutes les perfusions suivantes peuvent être administrées en 30 minutes.