Comment faire progresser les connaissances sur la toxicité des immunothérapies en 2024 ?

Depuis le renouveau des immunothérapies du cancer (CIT) à l’aube des années 2000, les données d’efficacité de nombreuses études cliniques randomisées contrôlées (RCT) ont confirmé leur activité antinéoplasique dans un large éventail de types tumoraux. Cependant, la connaissance des toxicités des CIT, qui aurait dû se développer parallèlement, se retrouve encore freinée par certains usages dans le rapport et l’analyse des données de sécurité d’emploi de ces mêmes RCT, industrielles ou académiques. Un premier obstacle est le rapport incomplet des événements indésirables (AE). Les critères d’imputabilité des AE immunomédiés (IrAE) ont été initialement basés sur des mécanismes biologiques attendus. Cette approche, en dépit de son utilité pour la sécurité en cours d’essai ou pour imputer les AE en post-marketing, conduit aussi à un biais de confirmation. Les difficultés d’imputation sont documentées

Editorial

Cher(e)s collègues,

Vous avez pu lire l’avant-propos co-signé par de nombreux collègues cliniciens, y compris par ceux exerçant hors de France, plaidant pour une amélioration de la relève et une harmonisation de la collecte des événements indésirables liés à la toxicité des immunothérapies du cancer lors des études cliniques. Un changement des pratiques dans ce domaine est indispensable, afin d’améliorer non seulement la balance bénéfice-risque mais aussi les connaissances sur les mécanismes d’action des immunothérapies.

La fin de l’année arrive, avec un numéro très hématologique, seul le dossier thématique (Émilien Billon, Daniel Olive, Gwénaelle Gravis) est consacré à la difficulté de l’immunothérapie dans le cancer de la prostate. Bien qu’ayant été un des premiers cancers à obtenir une autorisation de mise sur le marché pour un vaccin « thérapeutique » utilisant les cellules dendritiques, son statut de désert immunitaire et son état d’immunosuppression locale le rendent résistant aux inhibiteurs de checkpoints immunitaires (ICI). Les CAR-T cells et anticorps bispécifiques constituent des approches prometteuses dans cette pathologie

Lymphocytes B et TLS en immunité antitumorale et en immunothérapie

Depuis quelques années, le concept selon lequel l’immunité antitumorale reposerait quasiment exclusivement sur les lymphocytes T est remis en question. Les lymphocytes B, initialement décrits comme favorisant la croissance tumorale, ont été démontrés dans de nombreuses études récentes comme des alliés de taille pour combattre les tumeurs. Ces cellules de l’immunité adaptative expriment un récepteur d’antigène et peuvent être activées à la fois dans des organes lymphoïdes secondaires et in situ, comme dans les tumeurs humaines au sein de « structures lymphoïdes tertiaires » (Tertiary Lymphoïd Structures [TLS]) permettant l’activation locale des réponses antitumorales. Une fois activés, les lymphocytes B peuvent se différencier en plasmocytes produisant des anticorps dont les isotypes et les fonctions sont divers. Après une révision des fonctions et de la différenciation des lymphocytes B dans les organes lymphoïdes secondaires et de la structure et des fonctions des anticorps, cet article décrit le rôle des lymphocytes B et des TLS dans les défenses antitumorales et l’utilisation des TLS comme biomarqueurs de réponse aux immunothérapies.

Immunothérapies dans le cancer de la prostate : contourner l’immunosuppression pour traiter le cancer

Le cancer de la prostate est le premier cancer chez l’homme en France, et la 3e cause de décès par cancer, malgré des évolutions thérapeutiques majeures ces dernières années. L’essor observé en oncologie pour les « immunothérapies » n’a pas épargné le cancer de la prostate, qui est une des premières tumeurs solides à avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) temporaire pour une immunothérapie avec le sipuleucel-T, mais ce dernier n’a jamais été remboursé en Europe, limitant grandement son utilisation en routine. Cependant, les inhibiteurs de checkpoints immuns, largement utilisés dans un grand nombre de pathologies, se sont révélés décevants dans le cancer de la prostate métastatique à ce jour. La seule indication actuellement retenue aux États-Unis est celle des patients présentant une instabilité microsatellitaire, ce qui représente 1 à 2 % des cancers de la prostate métastatique. L’enjeu actuel réside dans l’identification des mécanismes de résistance afin d’établir de nouvelles stratégies thérapeutiques, actuellement en cours d’évaluation. Des innovations thérapeutiques basées sur l’ingénierie cellulaire (CAR-T cells, anticorps bispécifiques…) apportent des opportunités supplémentaires, prometteuses dans cette pathologie, en renforçant l’activité des cellules immunes et/ou contournant les résistances induites par le microenvironnement tumoral.

Lymphome B diffus à grandes cellules R/R et anticorps bispécifiques : un nouvel espoir à l’ère de l’immunothérapie

La prise en charge des lymphomes B diffus à grandes cellules (LBDGC) en rechute ou réfractaires est un défi , du fait du pronostic sombre. Les CAR-T cells ont actuellement l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en deuxième ligne, mais se heurtent à un délai de fabrication incompressible de 4 à 6 semaines, et à un taux d’échec de l’ordre de 60 % à moyen terme. Le développement sur les dernières années de l’immunothérapie, et plus spécifiquement des anticorps bispécifiques CD3xCD20, offre l’opportunité d’améliorer le pronostic de ces patients, avec des taux de réponse entre 50 et 65 % en monothérapie, dont 30-40 % de réponses complètes. Deux anticorps CD20xCD3, le glofitamab et l’epcoritamab, ont d’ailleurs obtenu en septembre 2023 une autorisation d’accès précoce en troisième ligne. Leur profil de sécurité favorable en fait aussi une éventuelle ressource à associer à d’autres stratégies thérapeutiques (immunomodulateurs, autres immunothérapies ou thérapies ciblées, voire chimiothérapie…). Nous présentons le cas d’un patient atteint d’un LBDGC stade IV primo-réfractaire à deux lignes de traitement dont un comprenant des anthracyclines, chez qui nous avons initié un traitement par epcoritamab. Il présentera rapidement une amélioration clinique avec, après trois cycles, une TEP-TDM qui montre la réponse métabolique complète. Si la prise en charge des LBDGC en rechute ou réfractaires a largement été dominée par une autre immunothérapie, les CAR-T cells, les anticorps bispécifiques viennent aujourd’hui compléter l’arsenal thérapeutique et offrent un nouvel espoir, notamment chez les patients non éligibles à la chimiothérapie et/ou aux CAR-T cells.

Les structures lymphoïdes tertiaires et le devenir clinique des patients atteints d’un cancer du poumon non à petites cellules avancé traités en 1re ligne avec atézolizumab ou par chimiothérapie dans l’essai de phase III IMpower110

INTRODUCTION
Les structures lymphoïdes tertiaires (Tertiary Lymphoid Structures, TLS) sont des mini-organes lymphoïdes non encapsulés présents dans le stroma, la zone péritumorale ou la zone intratumorale chez certains patients atteints de cancers. Plusieurs formes de TLS co-existent au sein des tumeurs, les TLS dites immatures (ou agrégats lymphoïdes, AL) constituées d’une zone de lymphocytes T et d’une zone de lymphocytes B, et les TLS matures comprenant un centre germinatif équipé de cellules folliculaires dendritiques (FDC) dans lequel les lymphocytes B peuvent se différencier en cellules productrices d’anticorps au contact les lymphocytes CD4 T folliculaires (Tfh)

Utilisation de ChatGPT et autres chatbots en oncologie médicale : posters présentés au congrès de la société européenne d’oncologie médicale (ESMO) 2023

JUSTIFICATIFS ET OBJECTIFS
L’arrivée de ChatGPT sur la scène publique à la fi n de l’année 2022 a rendu palpable pour chacun les progrès technologiques des développeurs de systèmes d’intelligence artificielle (IA). ChatGPT, acronyme de Chatbot Generative Pre-trained Transformer, est un chatbot, développé par la compagnie OpenAI, c’est-à-dire un système d’IA capable de générer des conversations complexes en réponse aux questions posées par ses utilisateurs. Les réponses fournies par les chatbots sont élaborées en temps réel à la suite des questions, elles ne sont pas des réponses préalablement enregistrées dans une base de données. Ces chatbots sont des modèles de langage construits par l’apprentissage d’architectures de réseaux de neurones, entraînés sur des modèles de traitement du langage naturel (NLP), permettant l’assimilation de structures linguistiques à partir d’un vaste corpus de données textuelles provenant d’internet

Utiliser les lymphocytes T dans le traitement des leucémies aigues myéloïdes : illusion ou réalité ?

Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) sont un groupe hétérogène de cancers du sang caractérisés par un blocage de la différenciation et une prolifération des cellules hématopoïétiques immatures d’origine myéloïde. Les LAM progressent rapidement et sont généralement mortelles en quelques semaines ou quelques mois si elles ne sont pas traitées. La chimiothérapie intensive (7+3) ou l’utilisation d’agents hypométhylants et d’inhibiteur du Bcl-2 restent actuellement les premières lignes de traitements. Cependant, une très grande majorité des patients rechutent et succombent à la maladie, rendant nécessaire l’amélioration des approches thérapeutiques. Les traitements utilisant le système immunitaire, en particulier les lymphocytes T, ont conduit à une amélioration significative de la survie des patients atteints de mélanome ou lymphome B. Ces stratégies thérapeutiques reposent sur l’utilisation d’anticorps bloquant les récepteurs inhibiteurs des lymphocytes T, tels que l’anti-PD-1, ou sur l’emploi de thérapies cellulaires T, notamment les CAR-T ciblant le CD19. Dans cette revue, nous discutons du rôle des lymphocytes T et leur réponse antitumorale dans la pathologie des LAM, et comment les traitements utilisant ces lymphocytes T peuvent être appliqués dans le contexte des patients atteints de LAM.