Editorial

Chers collègues,
Voici pour le dernier numéro de l’année 2024, un éditorial qui apporte de l’espoir en ces temps difficiles.
Tout d’abord je suis fi ère d’annoncer que LA REVUE Immunité & Cancer a remporté le prix éditorial du Syndicat de la Presse et de l’Édition des Professions de Santé (SPEPS) dans la catégorie « Intelligence artificielle et santé » pour l’article signé par Nicolas Loménie « Pathologie numérique et intelligence artificielle à l’ère de la médecine de précision » (Rev Immun Cancer 2023 ; 7 (3) : 101-13). Un grand bravo à Nicolas et à toute l’équipe ! Une récompense pour notre persévérance afin de fournir une information scientifique de qualité basée sur l’utilisation du système immunitaire comme outil diagnostique, pronostique ou thérapeutique.

Les technologies d’omique spatiale utilisées dans l’étude du microenvironnement tumoral

Ces deux dernières décennies ont été marquées par des découvertes majeures en immuno-oncologie. Les analyses cellulaires, moléculaires et génétiques ont permis de dresser un atlas robuste des différents acteurs de la physiopathologie des cancers. Elles ont également permis de développer de nouveaux biomarqueurs associés à la croissance tumorale, aux métastases et à la résistance aux traitements. Cependant le récent développement des technologies d’omique spatiale a transformé notre compréhension du microenvironnement tumoral (TME). La transcriptomique spatiale, la protéomique spatiale et autres approches combinées qui conservent l’information en deux dimensions permettent de caractériser les cellules et leurs interactions au sein des tissus. Dans cette revue, nous explorons les avancées récentes dans la protéomique (PhenoCycler, COMET, etc.) et la transcriptomique (MERFISH, Visium, etc.) spatiales, tout en illustrant leurs applications.

Gestion des toxicités immuno-médiées – Partie II : Toxicités musculaires, cardiologiques, néphrologiques, hématologiques et toxicités rares

La stratégie thérapeutique visant à bloquer les points de contrôle immunitaires a montré des résultats remarquables dans le traitement du cancer en augmentant l’immunité antitumorale. Parmi les points de contrôle immunitaire on distingue : le récepteur inhibiteur de la mort cellulaire programmée (PD-1), son ligand (PD-L1) et l’antigène 4 des lymphocytes T cytotoxiques (CTLA-4). Plusieurs anticorps dirigés contre les points de contrôle immunitaires (ICI) ont prouvé leur efficacité dans la survie globale des patients. En stimulant le système immunitaire, les ICI peuvent induire des effets secondaires décrits comme des effets indésirables immunomédiés (Immune related adverse events – IrAE). Bien que n’importe quel organe puisse être touché, les irAE concernent le plus souvent le tractus gastro-intestinal, les glandes endocrines, la peau et le foie. Le système nerveux central et les systèmes cardiovasculaire, pulmonaire, musculo-squelettique, néphrologique et hématologique sont moins fréquemment concernés. Le large éventail d’événements indésirables potentiels liés au système immunitaire nécessite une prise en charge multidisciplinaire et collaborative par les spécialistes d’organes impliqués. Plusieurs organisations professionnelles s’efforcent d’harmoniser le consensus des experts sur la prise en charge des irAE. La population croissante de patients atteints de cancer traités avec un ICI nous incite à établir des schémas de surveillance et de prise en charge spécifiques. En se basant sur les données de la littérature et les revues d’experts, nous avons abordé dans le précédent numéro de La Revue Immunité & Cancer, la prise en charge des irAE digestifs, pancréatiques et hépatiques. Nous abordons dans ce numéro les irAE musculaires, cardiaques, pulmonaires, neurologiques, néphrologiques, hématologiques ainsi que ceux plus rares qui sont pris en charge en médecine interne.

Quand l’immunothérapie rebat les cartes de la prise en charge du cancer de l’endomètre

Le standard de prise en charge des cancers de l’endomètre de stade avancé en première ligne repose désormais sur l’association d’une chimiothérapie et d’une immunothérapie anti-PD-1, quel que soit le sous-type moléculaire tumoral. Le bénéfice de cette association est particulièrement marqué chez les patientes présentant un déficit de réparation des mésappariements de l’ADN, posant la question de l’épargne de la chimiothérapie dans cette population. Nous présentons le cas d’une patiente atteinte d’un adénocarcinome endométrioïde de haut grade de l’endomètre non accessible à un traitement locorégional, présentant un déficit de l’expression des protéines du système de réparation des mésappariements de l’ADN. Un traitement par immunothérapie et chimiothérapie permettra une amélioration clinique nette et l’obtention d’une réponse tumorale complète. Si l’avènement de l’immunothérapie en première ligne des cancers de l’endomètre de stade avancé est prometteur, plusieurs questions sont aujourd’hui soulevées, comme la place du traitement locorégional en cas de très bonne réponse ou la durée de la maintenance par immunothérapie.

Première démonstration probante de l’intérêt d’une immunothérapie par durvalumab associée à la chimiothérapie néoadjuvante par gemcitabine + cisplatine : commentaires de l’étude NIAGARA

JUSTIFICATIFS ET OBJECTIFS
Les tumeurs de vessie infiltrant le muscle (TVIM) correspondent à 25 % (1) des 13 000 nouveaux cas de carcinomes urothéliaux vésicaux diagnostiqués annuellement en France. À ces cas incidents s’ajoutent les TVIM résultant d’une progression d’une maladie antérieurement non infiltrant le muscle. Au total, le nombre de cystectomies totales annuelles réalisées en France est approximativement de 3 100 (2). Ce traitement chirurgical à visée curative est réalisé pour les patients éligibles à une chirurgie majeure dont la mortalité péri-opératoire est évaluée à 2,1-3,2 % (3) et associée à plus de 30-42 % de complication péri-opératoire de grade ≥ 3 selon la classification de Clavien-Dindo (4). La cystectomie totale réalisée isolément a été associée à une probabilité de survie à 5 ans d’environ 50 % (5), ce qui justifie la recherche d’une amélioration du pronostic par l’adjonction d’un traitement médical en association à la chirurgie. Dans ce contexte et sur la base de la méta-analyse de 11 études publiées concernant la chimiothérapie néoadjuvante (6), il est recommandé d’administrer en pré-opératoire une chimiothérapie combinaison à base de cisplatine (7). Environ 50-60 % des patients candidats à une cystectomie totale sont éligibles à une telle chimiothérapie (8).

L’ajout du pembrolizumab à la chimiothérapie en phase néoadjuvante dans les cancers du sein triple-négatifs (TNBC) localisés apporte un bénéfice en survie globale ! Résultats finaux de l’essai de phase III KEYNOTE-522 présentés à l’ESMO 2024

JUSTIFICATIFS ET OBJECTIFS
L’étude KEYNOTE-522 est un essai prospectif randomisé de phase III qui a évalué le bénéfice de l’ajout du pembrolizumab (anticorps anti-PD-1) à une chimiothérapie néoadjuvante dans les cancers du sein triple négatifs à haut risque (≥ T2 ou ≥ N1) au stade précoce. L’étude avait déjà montré une positivité sur ses deux co-critères de jugement principaux : le taux de réponse histologique complète (pCR) et la survie sans événement (SSE) :
• Le taux de pCR (défi ni par un stade histologique ypT0-ypTis ypN0 en post-opératoire) passait de 51,2 % (IC 95 % : 44,1-58,3) dans le bras contrôle à 64,8 % (IC 95 % : 59,9-69,5) dans le bras pembrolizumab (p = 0,00055) (1) ;
• Le taux de SSE (après suivi médian de 40 mois) passait de 72,3 % (IC 95 % : 67,5-76,5) dans le bras contrôle à 81,3 % (IC 95 % : 78,4-83,9) dans le bras pembrolizumab (HR 0,63, p < 0,001). Ce bénéfice en SSE était observé dans l’ensemble des sous-groupes, tumeurs de stade II et de stade III, avec ou sans envahissement ganglionnaire initial (2).

Lymphome à grandes cellules T anaplasiques : profil immunologique obtenu par cytométrie en flux

Si les dernières classifications des néoplasies lymphoïdes (OMS/ICC) permettent de mieux préciser les contours diagnostiques des lymphomes à grandes cellules T anaplasiques (LGCA), ceux-ci peuvent néanmoins se révéler difficiles et requérir l’intégration des données morphologiques aux données d’immunologie et de génétique. Cette série rétrospective de 11 cas de LGCA illustre le profil immunologique obtenu par cytométrie en flux (CMF) de ces lymphomes à partir de différents types d’échantillons (biopsies ganglionnaires [ABG], sang périphérique [SP], et liquide pleural [LP]). Le LGCA présente un aspect cytologique polymorphe allant des cellules caractéristiques dites en « beignet », à des cellules Hodgkin-like, à des cellules lymphoïdes de petite taille jusqu’à des cellules lymphoïdes de très grande taille, ce polymorphisme étant d’autant plus marqué dans les formes ALK(–). La détection de cellules T CD4+ cytotoxiques par CMF permet d’orienter/confirmer le diagnostic, en particulier dans les formes à petites cellules de diagnostic difficile et qui correspondent généralement aux phases circulantes. Par ailleurs, une orientation cytologique permet d’optimiser le panel de CMF à utiliser et l’interprétation des résultats de CMF. En effet, la taille des cellules lymphomateuses et la perte fréquente de marqueurs pan-T peut mettre à défaut la CMF. En conclusion, si le diagnostic final de LGCA est histologique, l’analyse par CMF combinée à l’analyse cytologique permet d’établir une première orientation diagnostique et de guider les analyses génétiques complémentaires.